Traiter le daltonisme
On a longtemps affirmer que le daltonisme était impossible à corriger du fait que ce soit une anomalie génétique. Ce raisonnement est une aberration ! On ne peut effectivement pas traiter la cause (gènes transmis par les parents) mais, comme pour de nombreux cas en médecine, on peut traiter les symptômes, voir même “réparer” ce qui ne fonctionne pas.
Ici nous ne parlerons pas des moyens de contourner les problèmes liés au daltonisme, qui sont traités dans la section : Astuces de daltoniens. Nous parlerons donc uniquement des lunettes qui permettent de “corriger” le daltonisme.
Les lunettes et lentilles, un remède miracle ?
De plus en plus connues, les lunettes de correction pour le daltonisme sont assez récentes (moins de 10 ans) et en plein essor. Ces lunettes ont pour objectif de rendre plus prononcées les couleurs pour une meilleure appréciation du monde qui nous entoure.
Comment ça marche ?
La vision des couleurs des êtres humains est régie par la perception de 3 types de cônes. Aussi, pour les daltoniens, un ou plusieurs des types de cônes reçoit mal les informations qui permettent de percevoir les couleurs.
On voit bien dans les images ci-dessus que la réponse des cônes d’un daltonien peut être ambiguë. La plupart des lunettes corrigeant le daltonisme vont agir comme un filtre sur cette zone ambiguë afin de mieux distinguer les verts des rouges.
Le filtre permet donc de distinguer des couleurs qui auparavant étaient confondues.
Il existe plusieurs types de filtres, qui permettent de traiter les différents daltonismes. Il existe même certains filtres qui permettent de distinguer des nuances infimes de couleurs, au coût d’une distorsion totale de la ressemblance à la réalité (les couleurs sont aussi réalistes que lorsqu’on regarde dans des lunettes à vision nocturne).
Et du coup, je vais voir comme tout le monde ?
Eh bien non. Ces corrections n’ajoutent pas des couleurs qui sont inexistantes. C’est d’ailleurs assez intuitif : filtrer les couleurs ne peut pas en ajouter. C’est la critique première envers ces lunettes. On pense souvent qu’elles permettent d’avoir une vision des couleurs normales. Mais c’est totalement faux ! Bien que ce ne soit pas leur message qu’ils mettent le plus en valeur, aucun des constructeurs n’affirme le contraire.
Cependant, ces lunettes ont pour objectif d’améliorer la vision des choses de tous les jours et de différencier les couleurs généralement confondues. Et de ce côté, on est forcé d’admettre qu’elles font bien leur job.
Pour tous les daltonismes ?
Encore une fois : non.
Premièrement ces lunettes sont aujourd’hui principalement conçues pour les daltonismes “rouges-verts”. Cela ne prend donc pas en compte les daltoniens dont le cône “bleu” est dysfonctionnel (tritanopie). Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils sont peu nombreux (voir Pourquoi est-on daltonien ?). Ces technologies étant très récentes, elles sont pour le moment encore ciblées sur les daltoniens “rouges-verts” qui représentent la majorité des daltoniens. Cela aide donc plus de personnes et permet aussi d’avoir un plus large éventail de clients. Néanmoins, si ce type de corrections n’existe pas chez tous les constructeurs, certains comme Pilestone en ont développé.
Pour les autres, il faut savoir que ces lunettes fonctionnent pour environ 4 daltoniens (rouges-verts) sur 5. C’est un beau ratio mais cela veut dire que cela ne marchera pas pour tous. La réussite dépend par ailleurs du degré du ou des daltonismes.
Et si je porte déjà des lunettes de vue ?
Aucun problème ! La plupart des lunettes proposées sont adaptables à votre correction. Etant donné que la correction du daltonisme se fait par la teinte des verres et que les corrections habituelles sont faites par la forme des verres, elles sont totalement compatibles ! Il faudra fournir vos prescriptions, et bien sûr, un supplément pour les verres (environ 150€).
Ou s’en procurer ?
Il existe différentes marques, la plupart américaines, qui commercialisent ce type de lunettes. Le tableau ci-dessous vous présente un récapitulatif des points importants.
Marque | Enchroma | Colorlite Visiondescouleurs | Colorlite Visiondescouleurs | KOptical(kolorblind) |
Daltonisme(s) traité(s) | “Vert, rouge, rouge prononcé” | Vert, rouge | Vert, rouge, bleu | Vert, rouge |
Compatible avec corrections de vue | Oui | Oui | Oui si achat sur le site Pilestone (envoi US donc frais de douane + taxes) | Oui |
Intérieur/extérieur | Les deux | Les deux | Les deux | Les deux |
Prix | Environ 500€ En comptant les frais de douanes, | fourchette approximative de 500 à 1500€* (avec correction de vue) + consultation préliminaire 100€ | une centaine d’euros frais de ports inclus | Dépend de l’opticien partenaire |
Où acheter ? | enchroma | Chez un opticien partenaire | Amazon.fr | Opticien partenaire |
Retour possible | Oui | Non, mais essai avec l’opticien | Oui (retours Amazon) | Non, mais essai avec l’opticien |
Site internet | Enchroma.com | visiondescouleurs.com | pilestonecoloblind.com | koptical.fr |
Les autres marques
D’autres marques (utilisant des technologies différentes ou non) vendent également des corrections. Les plus connues sont Vino, Golden et ColorCorrection System. Pour les deux premières, les avis sont plus mitigés que pour les 3 marques présentées ci-dessus. Pour la troisième, elle semble très prometteuse. Malheureusement, il faut réaliser au préalable une consultation… aux USA !
Mon avis sur ces corrections
Il est difficile de savoir précisément le degré de changement qu’apportent les lunettes. Les avis sont très partagés, quelle que soit la marque. Il existe beaucoup de mécontents, mais aussi beaucoup de daltoniens subjugués par les nouvelles couleurs qu’ils voient. A mon sens, le mieux est d’essayer celles qui vous inspirent le plus (sachant que pour la majorité, le retour est gratuit). Pour ma part, j’ai fait la consultation de Colorlite et il s’est avéré que mes daltonismes étaient trop forts pour être correctement corrigés
Le seekey
Le Seekey est un dispositif de poche à l’origine développé pour les marins. Il ne sert absolument pas à corriger le daltonisme mais c’est un outil utile pour distinguer des couleurs “invisibles” pour les daltoniens. Il est en fait composé de 2 filtres qui permettent un plus large champ de vision.
Le Seekey est donc un outil très intéressant et à prix abordable (36€ sur le site Seekey.se). J’espère bientôt l’essayer pour vous en faire un retour plus approfondi.
La future thérapie génique
Je vous parlais en introduction d’un traitement du daltonisme. C’est possible ! Ce traitement prend la forme d’une thérapie génique.
Qu’est-ce que la thérapie génique ?
C’est un procédé en plein essor dans la médecine moderne, qui consiste à “injecter” des gènes dans certaines cellules du corps. Je ne vais pas entrer dans le détail de cette méthode, mais ce qu’il faut savoir est qu’on injecte un virus qui va “contaminer” les cellules ciblées avec le gène voulu. C’est une technique très pointue qui comporte des risques (effets indésirables, supplémentaires, propagation à des cellules non visées, etc.) Néanmoins, c’est une forme de médecine de plus en plus développée qui permet de traiter des maladies ou dysfonctionnement longtemps considérés comme incurables.
Et pour le daltonisme ?
Le daltonisme est 100% génétique. Ce sont 3 gènes différents dans l’ADN qui codent les 3 types de cônes. C’est donc pourquoi les recherches peuvent être menées afin de corriger le tir avec les gènes appropriés.
Depuis 1999, les docteurs Maureen et Jay Neitz mènent des recherches pour traiter le daltonisme par la thérapie génique. En 2009, les premiers résultats de thérapie génique pour la vision des couleurs ont été publiés. Ces expérimentations ont eu lieu sur des singes-écureuils.
En effet, ceux-ci ont la particularité de ne pas avoir de cône rouge (comme les protanopes). Les docteurs Maureen et Jay Neitz ont donc injecté un virus contenant l’opsine correspondant. (L’opsine permet le développement de la sensibilité aux couleurs pour un type de cône spécifique). Les singes sont soumis à des test pseudo-isochromatiques, avant et après traitement. Ces tests sont adaptés à leur compréhension : ils doivent situer une tache sur un écran, reçoivent une récompense quand la réponse est bonne et un signal sonore négatif lorsqu’elle est fausse. Comme le montre la vidéo ci-dessous, les singes réussissent avec brio les tests qui leurs sont proposés après le traitement.
Les risques et avantages
Les avantages sont doubles : pour le patient, cela permettrait de découvrir une vision plus complète du monde, de se faciliter la vie et d’accéder plus facilement à certaines carrières. Pour la science, cela permettrait de mieux connaître le fonctionnement du système oculaire, et donc, de mieux pouvoir interagir avec.
Concernant les risques (oui sinon ce serait trop facile) :
- Les humains pourraient ne pas être aussi réceptifs que les singes à cette thérapie
- L’injection dans la rétine pourrait causer des irritations et des infections, sans compter les risques de décollement de la rétine et de cécité au niveau du site d’injection,
- Il pourrait y avoir des effets psychologiques quant à la découverte de couleurs inexistantes
Ces risques (surtout le deuxième) peuvent faire très peur, c’est pourquoi ce genre de traitement met si longtemps à être développé (pour minimiser les risques). Le traitement est encore aujourd’hui en cours d’approbation par de nombreux organismes avant de pouvoir commencer les tests sur des volontaires humains.
En conclusion
Bien que les différentes corrections ne permettent pas une réelle vision des couleurs, elles n’en sont pas moins importantes. Elles permettent aux daltoniens de distinguer des couleurs “invisibles” auparavant, ce qui peut avoir de nombreuses répercutions positives. L’une d’entre elles est la possibilité d’accéder à certains métiers jusque-là interdits aux daltoniens.
Concernant la thérapie génique, c’est effectivement le “remède miracle” pour tous ceux qui ne souhaitent plus être daltoniens.
Et vous, voudriez-vous vous débarrasser de votre daltonisme ? Je serais heureux d’en échanger avec vous ainsi que toutes autres remarques que vous laisserez en commentaires !
En attendant, merci d’avoir lu cet article, j’espère qu’il vous a plu. N’hésitez pas à le partager sur vos réseaux sociaux.
[…] métiers (in)accessibles aux daltoniens Traiter le daltonisme Détecter et mesurer le daltonisme Les types de […]
Savez-vous où nous en sommes dans l’évolution de la thérapie génique aujourd’hui (deux ans après la publication de cet article très intéressant) ?
J’ai cru comprendre que certains essais clinique étaient réalisés sur de humains au Canada, mais pas pour le traitement du daltonisme.
Si vous connaissez certains laboratoires à la recherche de volontaire, je saute à pieds joints et tampis pour les risques (qui semble nuls chez les singes-écureiuls)… Je suis tanné des ce “handicap” qui m’a démotivé à deux reprises déjà….
La première : j’ai voulu faire des études d’ingénieurs dans l’armée… Recalé car protanope. Extrêmement démotivant puisque j’ai comme l’impression de n’avoir aucune gènes dans la vie quotidienne. J’ai d’ailleurs appris mon daltonisme assez tard dans ma vie, au cours d’un test de vue chez un opticien… C’est dire que ça ne m’avait jamais géné auparavant.
J’ai fini par faire mes études d’ingénieur dans le civil et je suis diplômé de deux Ecole Polytechnique (Bruxelles et Montréal)… J’ai passé toute mes études avec brio (et les cours d’électronique aussi, avec tous ces câbles de toutes ces couleurs)…
Aujourd’hui, je termine un thèse à l’Ecole Polytechnique de Bruxelles, j’adore la recherche, l’enseignement, et l’espace…
Je voulais donc postuler à l’ESA, pour les postes ouverts pour Astronaute…. Impossible, il faut un certificat médical pilote classe 2… et étant protanope, je suis interdit en vol de nuit et au instrument… Or, dans l’espace, il faut nuit noir… Dégouté.
Donc voilà, je recherche un centre pour faire cette thérapie génique sur mon daltonisme… qui sait peut-être un jour j’arriverai à suivre ma voie.
Bonjour Nicolas,
Concernant la thérapie génique, je n’ai trouvé aucune avancée. Il semblerait que la plus poussée se déroule en Allemagne et concerne surtout l’achromatopsie (déficience des 3 cônes) pour lesquels ils chercheraient des enfants pour les prochaines phases (plus facile pour réapprendre les couleurs)
Je suis moi aussi ingénieur mais j’ai la chance de ne pas avoir été attiré vers des professions bloquantes pour les daltoniens. Je sais que l’armée est effectivement très fermée sur le sujet et j’ai eu des conversations avec plusieurs médecins du secteurs qui effectivement ne voient pas arriver prochainement les différentes possibilités (lunettes, aides, etc.) pour revoir les tests d’entrée.
La thérapie génique serait en effet très prometteuse mais j’ai peur qu’elle ne soit pas pour notre génération (bien que je l’espère sincèrement tout de même pour des personne qui comme toi en ressentent un réel besoin).
Tu as l’air d’avoir un profil assez international, as-tu déjà pensé à regarder vers d’autres pays si les règles d’entrées sont les même pour ces métiers ? (c’est une question réellement ouverte je ne sais pas ce qui se pratique ailleurs)
Dans tous les cas, je te souhaite d’arriver à tes fins
Bien à toi
Nicolas
PS : une autre “piste” : j’ai lu plus d’un témoignage de daltonien ayant réussit les tests de visions de l’armée en apprenant par cœur les différentes plaques des tests d’entrée
Bonjour Nicolas,
J’ai bien évidemment tenter le par cœur concernant les tests d’Ishihara.
Malheureusement, la rigueur militaire du médecin chef du service ophtalmologie a dû être souvent confrontée à cette pratique. Il ne laisse que deux secondes par planche pour déterminer le chiffre ce qui laisse peu de temps pour trouver les repères utiles au par cœur. Sur les 24 plates, une erreur… et un allé simple vers les test plus poussé (anamaloscope, lenterne de beyne, et le nouveau CAD).
Évidement, plus de place pour le par cœur… et un bel échec bien plus prononcé. Au moins, j’étais fixé sur mon type de daltonisme : Protanope (comme les fameux singe-écureuils) !
La bonne nouvelle du jour, c’est qu’il semble que nos hôpitaux universitaires sont assez doués sur les nouveautés. Après un contact à Erasme (Bruxelles) et un autre au CHU de Liège, j’ai été renvoyé vers la KUL (Louvain) où ces cas d’étude sont abordés de manière expérimentale.
J’ai un rendez-vous demain… ! Je pourrai vous tenir informé si vous le désirez.
Ah mince effectivement la rigueur du médecin est parfois dérangeante..
Super nouvelle pour la KUL je serai effectivement super intéressé par un retour là dessus !
Bon courage à bientôt
Enfin une page qui contient des informations claires et pas orientées commercialement. Merci!
Bonjour Bruno, content que ça vous plaise !
C’est l’avantage d’être 100% indépendant 😊
“Et vous, voudriez-vous vous débarrasser de votre daltonisme ?”
J’adorerais. Je sais qu’il reste encore du chemin avant la thérapie génique, mais quelque part au fond de moi j’espère juste que ça arrive avant ma mort.
J’ai très envie de voir à quoi ressemble le monde “en vrai”.
Merci pour votre commentaire !
Je comprend tout à fait ce souhait de voir le monde comme un humain lambda, c’est assez frustrant de ne pas comprendre qu’un paysage, une œuvre ou tout autre chose puisse être belle pour les autres et assez fade pour nous. En cela la thérapie génique pourrait effectivement être d’une grande aide pour ceux qui voudront passer le pas.
Personnellement, je me console en me disant que personne ne voit le monde “en vrai” dans le sens où 3 cônes ne suffisent pas à voir l’intégralité du spectre électromagnétique ! (la crevette-menthe s’en rapproche certainement mais sa vision est totalement inconcevable pour un humain !)